Depuis
quatre mois, les chibanis d’Asnières n’avaient plus reçu leurs pensions de
retraites.
Et pour
cause ! Ils seraient considérés par l’administration comme étant des
fraudeurs. L’Association des travailleurs maghrébins en France (ATMF) est
montée au créneau et après des manifestations, certains ont pu obtenir gain de
cause. Mais une partie subit encore « l’injustice », estime l’ONG qui
entend saisir les tribunaux.
C’est un profond
sentiment de colère et de frustration qui anime, en ce moment, les vieux
retraités magrébins résidant dans les foyers Adoma d’Asnières. Au nombre de 70,
ils ne recevaient plus leur retraites depuis juin 2013 et selon les membres de
l’ATMF, on ne leur a jamais donné les raisons.
Sur la base d'un rapport erroné
Tout serait
parti d’un contrôle effectué par une agente de la Caisse nationale d’assurance
vieillesse (CNAV) au foyer Adoma d’Asnières, selon les membres de l’ATMF. «
Elle venait vérifier l’adresse d’un chibani. Mais elle n’a pas pu la trouver,
car ne connaissant pas le foyer [la manière dont il est organisé, ndlr]. Elle
en a déduit que l’adresse n’existait pas. Du coup, la CNAV a supprimé la
pension de tous ceux qui résidaient à cette adresse », explique à Yabiladi l'un
d'eux, Ali Habchi.
D’après lui, ce problème révèle de la « suspicion permanente » dans laquelle
les institutions françaises travaillent avec les chibanis. « Ils sont toujours
suspectés de ne pas être ce qu'ils disent, de ne pas habiter à l'adresse qu'ils
déclarent, ...», explique M. Habchi d'un air outré. « Normalement dans ce
genre de cas, il y a d’abord envoi d’un courrier, puis ouverture d’une enquête
et après, on décide. Mais dans le cas présent, la décision a été prise sans
aucune enquête préalable » dénonce-t-il. Les membres de l’ATMF sont encore plus
offusqués par le fait que « la majorité des personnes concernée par la
suspension ont une pension exportable ».
La pression
a payé… en partie
Jeudi 5
octobre, certains chibanis, accompagnés de quelques membres de l’ATMF, ont
occupé les locaux de la CNAV à Asnières, en signe de protestation. Finalement,
ils ont été reçus par la directrice qui, après avoir contacté ses supérieurs
hiérarchiques et les élus de la ville, a réglé le cas d’une trentaine de
retraités. « Certains ont déjà récupéré leur argent », nous signale Abdallah
Moubine, président de l’ATMF Gennevilliers.
La procédure
serait en cours pour les autres, mais la pension est supprimée pour près de
quatorze chibanis qui bénéficiaient de l’ASPA (Allocation de solidarité aux
personnes âgées). Comme l’explique M. Moubine, Après six mois et un jour de
résidence à l’étranger, le chibani ne peut plus recevoir l’ASPA. « Mais pour
décider de cela, ils vérifient les passeports au préalable. Ce qu’ils n’ont pas
fait », relève-t-il.
Action en justice envisagée
Au moment où
l’agente de la CNAV effectuait sa visite pour le cas d’un chibani, la plupart
des habitants du foyer étaient en séjour au Maroc pour les uns et en Algérie
pour les autres. Mais selon l’ATMF, il n’y a eu « aucune vérification » avant
la prise de décision. « Ces gens ont participé à la construction de ce pays.
Ils y ont laissé leur santé. Mais à la fin de leur vie, ils sont encore traités
comme des voleurs », regrette Abdallah Moubine.
Ce
responsable associatif rappelle au passage que dans le cadre de la mission
parlementaire de juillet 2013, « le directeur de la CNAV, M. Mayer, avait
dit que ses services ferraient le maximum pour faciliter le quotidien des
chibanis. Mais c’est tout le contraire qui se passe actuellement ». C'est
donc une sorte de retour en arrière, puisque ce type de faits a été le
quotidien des chibanis pendant de nombreuses années. L’Association étudie la
possibilité de mener une action en justice, très prochainement, si les droits
de ces chibanis ne sont pas rétablis.